CNEK:Fr/Auguste_Monton

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Auguste Monton (1875-1942)

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La spéléologie normande a la réputation d’être une activité récente, née après la seconde guerre mondiale. Pourtant, nous n’ignorons pas que les grottes de Caumont reçurent la visite de Edouard-Alfred Martel, mais la modestie des cavités normandes n’a pas contribué à la pérénité d’un mouvement spéléologique. L’histoire régionale est cependant ponctuée de l’activité de personnalités locales auxquelles nous devons la connaissance des ensembles souterrains. C’est le fruit de nos recherches sur l’un d’eux, Auguste Monton (1875-1942), spéléologue des Andelys, que nous présentons aujourd’hui.

Ce document, écrit en 1991, par Jacques Monton, Joël Rodet et Jean-Pierre Viard, a été publié dans les Actes du Museum de Rouen (issn 0180-9784) dans sa livraison 1991-2. Il a été complété par J. Rodet en février 2008.

Biographie d’Auguste Monton[modifier]

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Auguste Monton est né aux Andelys, le 9 novembre 1879, dans un moulin. Son père était meunier farinier, bien que licencié en Droit. Il fait ses études primaires à l’école Saint joseph des Andelys. ensuite, il est interne au lycée Henri IV à Paris. Un de ses oncles était commerçant à Paris et le fait sortir le dimanche. Il obtient son diplôme de Bachelier-ès-Lettres en 1894 (Latin-Grec-philosophie). Parmi ses condisciples au lycée Henri IV, il y a André Fallières, le fils du Président de la République d’alors et aussi Marius Moutet qui devint ministre des Colonies.

Après son bac, il passe environ un an dans un moulin à Tour-sur-Marne (Marne), pour un stage de meunerie, puis trois ans de service militaire dans l’Infanterie, d’abord à Courbevoie, puis à Dieppe. Il reçoit le Certificat de bonne conduite délivré à Dieppe le 1er janvier 1899, et est nommé Caporal au 119° Régiment d’Infanterie.

Au retour du Service Militaire, il entre comme stagiaire dans une ferme à Fresne-l’Archevêque (Eure), où il reste deux ans. Dans le courant de l’année 1902, il loue une ferme de 120 ha à Cléry, hameau des Andelys. Il se marie en octobre 1903 aux Andelys avec Mademoiselle Dumontier. Il a cinq garçons.

Il modernise sa ferme : installation d’un élévateur à grains qui évite le travail pénible de monter les sacs à grain de 100 kg à dos d’homme dans le grenier à grains, installation d’abreuvoirs à eau courante dans les étables, éclairage à l’acétylène dans la maison et dans les bâtiments d’exploitation.

Il est mobilisé dès les premiers jours d’août 1914, bien qu’âgé de 39 ans et père de cinq enfants, au 22ème Régiment d’Infanterie Territorial : retraite à pied depuis Charleroi, en Belgique, jusqu’à Gournay-en-Bray (Seine-Maritime). Il est nommé Sergent à Revigny-sur-Ornain (Meuse), près de Saint-Dizier (Haute-Marne), où il garde les prisonniers travaillant aux hauts-fourneaux. Il assiste à la chute du zeppelin LZ 77 abattu par la D.C.A. Il est démobilisé début 1918, après avoir passé, en tout, sept ans dans l’armée.

A partir de 1928, il entreprend des voyages en camping avec deux de ses fils pour visiter la France. Avec une 5 CV Citroën Trèfle, une tente et un matériel de couchage réalisé par ses soins (cuisson des aliments sur une lampe à souder à essence). Ses voyages successifs l’amènent vers Rocamadour, Bétharam, Gavarnie, la Bretagne, l’Auvergne, les Gorges du Tarn, Pont-d’Arc dans l’Ardèche, Bramabiau, les Gorges du Verdon par le sentier du Touring-Club de France, la Fontaine de Vaucluse, Montpellier le Vieux, le Mont Ventoux.

En dehors de son métier d’agriculteur, il a de nombreuses activités de chasseur, pêcheur et photographe, ... Il traîte lui-même ses plaques autochromes Lumière dans son cabinet noir.

Il était philosophe, si on entend ce terme par "ami de la jeunesse". Dans sa jeunesse, il avait pris pour devise : Spera et Gaude (espère et réjouis-toi). Il disait : "de leur meilleur côté, tâchons de voir les choses et réjouissons-nous que les épines aient des roses". Il meurt le 10 mars 1942, des suites d’une tumeur qui apparut en août 1938, peut-être à la suite d’un éclat d’obus qu’il avait reçu dans la cuisse pendant la Guerre 14-18.

Résumée par son fils Jacques, en septembre 1989, la vie d’Auguste Monton paraît celle d’un amateur "averti" de nature, soucieux de découvrir et faire partager. Ce que ne dit pas cette courte bibliographie, même si elle le suggère par l’énumération des sites visités, c’est qu’Auguste Monton est un amateur de grottes, le véritable spéléologue du karst des Andelys.

Quels sont les apports de Monton à la spéléologie normande ?[modifier]

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Auguste Monton, topographe spéléologue[modifier]

Dès 1845, les grottes des Andelys entrent dans la littérature régionale avec la mention des activités du fantasque Bournichon qui, guidé par une somnanbule, procède à grands frais à la désobstruction des cavités en aval du Petit-Andely, à la recherche du trésor des Templiers [Bosquet, 1845 : 149]. Brossard de Ruville, dans son "Histoire de la ville des Andelis" [1863], conte la fin de cette aventure surprenante. Ce n’est qu’en 1909 que les grottes reviennent à la mode avec l’importante communication de Coutil [1910] à un congrès de préhistoire, réalisant la première relation descriptive des conduits connus. Or, dès mars 1894, Auguste Monton, alors âgé de 19 ans, explore le "souterrain d’Ecorchemont", qu’il topographie le 4 avril 1894, réalisant la plus ancienne topographie de la Grotte de la Roche Percée, connue à ce jour. Plus surprenante est la qualité du relevé, supérieure à celle de Coutil [1910 : 195], chercheur reconnu.

Auguste Monton, photographe souterrain[modifier]

Il est certain que Monton a exploré l’ensemble des cavités de la région des Andelys. Malheureusement, il n’a laissé aucune relation, même anecdotique, de ses explorations que lui autorisait son éducation scolaire. L’unique topographie de la Roche Percée montre clairement ses capacités de spéléologue de terrain, à une époque où la discipline se créait. Curieusement, les contacts avec E.-A. Martel n’ont pas assis cette vocation, contrairement aux chercheurs d’autres régions plus riches (Alpes, Causses, Pyrénées, Jura, ...). Non, Auguste Monton se voulait seulement un amateur, un précurseur en quelque sorte de la spéléologie moderne. L’exploration des cavernes n’était qu’un divertissement, une activité sportive et artistique. On doit à cette sensibilité, alliée à un grand sens pratique, les émouvants clichés photographiques pris autour et dans les grottes des Andelys. En cela, il est assurément le premier photographe spéléologue normand.

Auguste Monton, spéléologue éclairé[modifier]

Mais l’apport le plus important d’Auguste Monton à la spéléologie normande est, semble-t-il, la prise en compte du karst des Andelys dans les études scientifiques, puisqu’il a contacté et guidé des personnalités scientifiques, notamment Coutil et Martel (correspondance partiellement inédite).

Il semble bien que ce soit Monton qui initia l’archéologue régional Léon Coutil aux cavernes des Andelys. C’est à la mémoire de ce dernier que bénéficie aujourd’hui la réputation de "spéléologue des Andelys" en raison de l’important article consacré à ces cavités [Coutil, 1910], qu’il présenta en 1909 au Congrès PRéhistorique de France, à Beauvais. Cependant, Coutil y rend un hommage discret à Monton, en écrivant en note infra-paginale [op.cit. : 193-194], à propos de l’accès à la Roche Percée :

"Dans une sage pensée, M. Mouton (lire Monton, N.D.L.R.) de Cléry a fait sceller une petite barre d’appui, pour faciliter l’accès, ...",

montrant bien l’antériorité des travaux de ce dernier. Ceci vient confirmer le rôle de Monton, topographe dès 1894.

Mais les explorations de Monton ne sont réellement valorisées que lorsqu’il entreprend de contacter Edouard-Alfred Martel. Il reste de cette époque, deux lettres manuscrites de Martel à Monton [André et al., 1997 : 210], que nous reproduisons ci-après. Malheureusement, nous n’avons pas retrouvé copie de celles de Monton (une belle piste de recherche pour amateur éclairé) :

Paris, 3. 5. 6. (3 mai 1906)

Monsieur,

La grotte que me signale votre lettre du 24 avril, présente pour moi plus d’intérêt que vous ne semblez le croire ; en effet les cavernes de la craie sont rares et je les recherche spécialement.

Un service d’inspection géologique de captages d’eaux m’appelant de temps à autre dans l’Eure, vous pouvez être sûr que lorsque l’occasion me conduira du côté de Cléry, je ne manquerai pas d’aller visiter votre grotte.

Je ferai alors appel à votre aimable concours.

Il ne m’est pas possible de vous dire quand ; cela dépendra des projets dont je me trouverai saisi ; mais j’espère que l’année ne se terminera pas sans que j’aie recours à vos bons offices.

Croyez, je vous prie, Monsieur, à mes bien distingués sentiments,

signé : E.A. Martel

E.A. Martel 23, rue d’Aumale, 23 Paris-IX°"

Quelques jours plus tard, Martel adresse une seconde lettre, fixant rendez-vous à Monton pour explorer les cavernes des Andelys :

Paris le 12 mai 1906

Monsieur,

D’une façon tout à fait imprévue, je dois aller aux Andelys lundi prochain 14 courant (après-demain). La fin de l’après-midi sera pour moi disponible.

Pouvez-vous vous trouver ou m’envoyer chercher à la gare des Andelys entre 2 heures 1/4 et 2 heures 1/2 (salle du départ). Je dois y être à 2 heures 22 pour mettre ma femme au train qui part à cette heure-là. Donc à partir de 2 heures 1/2 je serai à votre disposition ; je reprendrai le train de 5 heures 59 ou celui de 8 heures 50 mn.

Si vous n’êtes pas libre lundi ou si ma lettre vous parvient trop tard, nous remettrons la chose à une autre occasion. Pour cette fois, c’est ce matin seulement que j’ai été prévenu moi-même à l’improviste. Croyez, Monsieur, à mes biens distingués sentiments.

signé : E.A. Martel

Ne prenez pas la peine de me répondre : votre lettre ne m’arriverait pas à temps".

Ils se retrouvèrent puisque Martel écrit :

"Avec M. Monton, j’ai visité (14 mai 1906) trois de ces cavernes à l’aval du Petit Andelys" [Martel, 1930 : 23].

Ceci prouve aussi que tant la Poste que les transports en commun fonctionnaient parfaitement.

C’est l’hommage du maître de la spéléologie rendu à son guide, qui transparaît dès 1921 [Martel, 1921 : 342-343] :

"Dans les environs des Andelys (Eure), les falaises crétacées qui dominent la rive droite de la Seine sont perforées de galeries. Un peu à l’aval du petit Andelys (Eure), M. Auguste Monton y a découvert, en 1906, dans la craie blanche, au dessus du chemin de fer, plusieurs petites grottes assez étendues ; j’ai pu constater sur place avec lui que ces grottes ont été certainement formées par la circulation des eaux, qui provenaient des infiltrations du plateau ; elles présentent des marques très nettes de corrosion, d’érosion tourbillonnaire, des perforations de planchers, etc. ; ultérieurement, M. Monton a retrouvé une douzaine de ces grottes d’un parcours total de trois kilomètres ; l’une d’elles s’ouvre par un gouffre naturel qui a été artificiellement agrandi".

En 1930, dans la "France-Ignorée" [Martel, 1930 : 14], il confirme l’importance des recherches du pionnier andelisien :

"Aux environs des Andelys, M. Auguste Monton a découvert et étudié (1906 à 1908) nombre de grottes et avens naturels, dans les falaises crétacées de la Seine, etc. Un de ces abîmes aboutit à un labyrinthe de galerie qu’il n’a pas pu explorer entièrement. Ces trouvailles confirmes que la craie blanche et ses fissures peuvent se comporter envers les eaux souterraines exactement comme le calcaire".

Toutes les trouvailles de Monton ne sont pas connues aujourd’hui. Malgré des années de recherche, et des découvertes ponctuelles, nous n’atteignons pas le développement déclaré par Martel : il manquerait la moitié de celui-ci. Si on retranche une partie "estimée" de ce développement, ce qui n’était pas dans l’esprit du maître, il manque quelques centaines de mètres, et assurément certains développements isolés. De plus, il semblerait que certaines confusions se soient glissées dans la présentation de Martel : où est passé "l’abîme qui aboutit à un labyrinthe" ? Le labyrinthe pourrait être celui de la Roche Percée, mais son accès est de plein-pied, par une vire en falaise. Où sont passés les avens ? Il est certain que tout le manque ne peut pas être attribué à des erreurs de rédaction ou de notes. Avec certitude, il reste à "re"découvrir autour des Andelys, à l’image de la grotte des Marettes, incidemment ré-explorée en 1990. L’héritage de Monton n’est donc pas encore entièrement intégré par la communauté spéléologique normande, un siècle plus tard.

Conclusion[modifier]

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Commencée au plus tard en mars 1894, l’activité de spéléologue d’Auguste Monton aux Andelys se poursuivra jusqu’en 1908, peut-être même jusqu’à la première guerre mondiale. Il suivra de près les activités de la Société de Spéléologie, dont il reçoit les publications "Spelunca", conservées par ses descendants. Après guerre, ses nombreux voyages le conduisent vers les grottes aménagées du Sud de la France.

Les quelques lignes de Martel signalent des cavités somme toute modestes, marquant bien l’importance que le maître attachait aux cavernes de la craie. Elles sont aussi fondamentales pour l’histoire de la spéléologie normande, car sans elles, nous ignorerions encore le rôle d’Auguste Monton, ses travaux. Sans ces quelques citations, l’un d’entre nous n’aurait pas pris contact avec les enfants d’Auguste Monton, et les spéléologues normands ignoreraient un de leurs plus importants précurseurs.

Bibliographie[modifier]

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André D., Casteret M., Carlier P., Gautier A., Kalliatakis G., Renouard C., Renouard L. (1997). La plume et les gouffres - correspondance d’Edouard-Alfred Martel (de 1868_1936) avec Norbert Casteret, Robert de Joly, Louis Balsan et les nombreux pionniers de la Spéléologie Française. Association Edouard-Alfred Martel, Meyrueis : 210.

Bosquet A. (1845). La Normandie romanesque et merveilleuse. In 8°, 1845, Paris & Rouen, p. 149.

Brossard de Ruville (1863). Histoire de la ville des Andelys et de ses dépendances. Ed. Delacroix, Les Andelys, 2 tomes.

Coutil L. (1910). Cavernes, avens et abris de la vallée de la Seine, près Les Andelys (Eure). Congrès Prehistorique de France, Beauvais, compte-rendu de la 5° session : 188-197.

Martel E.-A. (1921). Les eaux souterraines de la craie. Nouveau traité des eaux souterraines, Doin, Paris : 342-343.

Martel E.-A. (1930). Normandie. La France Ignorée, tome 2 "des Ardennes aux Pyrénées", chapitre I, Delagrave, Paris : 14, 17, 23.

Monton A. (s.d.). Archives (correspondance, topographie, photographies), conservées par son fils Jacques Monton (et aujourd’hui par les descendants de ce dernier), partiellement inédites.

Rodet J. (1988). Approche de l’histoire spéléologique en Haute Normandie. Symposium d’histoire de la spéléologie, Centenaire de la Spéléologie Française, Millau, 1-3 juillet 1988, "Cent ans de spéléologie française", Spelunca-Mémoire, 17 (1993) : 173-177.

Rodet J. (1991). Les karst de la craie - étude comparative. Thèse de Doctorat d’Etat ès-Lettres, Institut de Géographie de Paris, Université de la Sorbonne (Paris-IV) : 562 p.

Rodet J. & Viard J.-P. (1988). Monton Auguste (1875-1942). Les grandes figures disparues de la spéléologie française, Spelunca, 31 : 72.

(Jacques Monton, fils de Auguste Monton et co-auteur de cette note, est décédé durant la décennie 1990)

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